Dans ces temps incertains et terribles, il nous faut forger une nouvelle France. Pour conjurer la crise économique et sociale, il nous faut forger une nouvelle gauche. Et, pour lui bâtir un nouveau destin, il lui faut forger une nouvelle société. Tel est notre rendez-vous avec l’Histoire !

La pandémie du Covid-19, son cortège d’infectés, de morts ont saisi d’effroi l’humanité. Elle a provoqué de grandes remises en cause. Le confinement de la planète a bousculé bien des habitudes de vie. Et l’arrêt de l’économie mondiale a ébranlé bien des certitudes.

Les crises majeures comme les guerres sont des accélérateurs de l’Histoire. Le choc pandémique et la récession dépression qui s’en suit marquent symboliquement l’ouverture du nouveau siècle : la fin du cycle des années 1960 - 2000 avec son progressisme redistributif, son extension des libertés, obtenues par de nombreuses luttes sociales et les dividendes de l’État-providence.

Mais tout a changé et doit nous changer. On ne peut penser et agir dans le monde à venir avec les idées d’hier forgées par des concepts d’avant-hier.

S’il faut que les anciennes générations transmettent une culture politique, nous devons, avec les jeunes générations, aller à la conquête du nouveau monde pour lui insuffler la justice.

L’époque qui vient met à son agenda l’intégrité humaine, face aux trois grands défis que sont la révolution de l’immatériel, la question climatique et la récession économique. Ces crises majeures et conjointes, déjà latentes, surgissent avec force dans l’après crise sanitaire.

Des réponses fusent de toutes parts. Ces interrogations marquent un début de re-politisation après des décennies du recul du politique. Nous sommes devant des choix qui engagent notre avenir et celui de l’humanité à venir.

Soit les sociétés humaines s’inclineront devant la nouvelle servitude des algorithmes, soit elles en feront le moyen du nouveau progrès humain.

Soit l’humanité transformera la terre en un enfer climatique, soit elle sauvera son écosystème et offrira un destin planétaire viable au genre humain.

Soit une nouvelle grande dépression, comme le Monde l’a vécue dans les années trente, déferlera avec ses conséquences en termes de désordres et de conflits, soit une nouvelle croissance vertueuse imposera un siècle vertueux.

Ces trois défis sont en surplomb des questions toujours pendantes dans nos sociétés : l’égalité réelle, la liberté ordonnée, la fraternité laïque. Ceci, alors que le système néo-libéral mis à mal par les subprimes s’avère aujourd’hui totalement disqualifié pour surmonter la crise économique et nous préparer au nouveau monde ; alors que la paix entre les nations, leur plus grand bien, se trouve fragilisé par le retour du nationalisme, la résurgence des régimes autoritaires et d’extrême droite ; alors que le nouvel obscurantisme, le complotisme, se voit tout à coup conforté.

  • La grande pauvreté, le chômage, l’insécurité sociale, les exclusions, les enfances mutilées, les discriminations de toutes sortes, ou l’explosion des inégalités, ce monde des relégués s’impose sur une partie de la société sans que celle-ci n’y trouve fondamentalement rien à redire.


    La marchandisation du monde et sa main invisible, les « valeurs du commerce », les « entreprises Monde », le développement de ce système échappe aux citoyens.

    Le système néo-libéral marqué par l’accumulation d’une richesse indécente à un pôle de la société et le précariat insupportable à l’autre pôle, ce monde ancien avec ses crises, son instabilité, son inégalité foncière, son morne quotidien sans autre but que consommer, son développement aveugle sans temps mort ni répit, ce monde-là produit une société trépidante où l’injustice est partout et le contrôle humain quasiment nulle part.

    Le réchauffement climatique, la montée des eaux, les pluies acides, la déforestation, la disparition de nombreuses espèces, les pollutions de toutes sortes à commencer par l’air, l’écosystème de l’humanité est chaque jour en plus en danger.

    La planète sale vit un écocide sans que les citoyens aient prise sur l’horreur climatique.

    La dématérialisation de la société, des repères et des échanges, les manipulations génétiques, biologiques, scientifiques, technologiques, la vitesse effrénée des innovations invitant au temps court, tout semble exclure les citoyens de leurs propres destinées.

    La vie quotidienne elle-même est sous l’emprise de risques pour l’être humain ; les raisons en sont mercantiles. Les produits à perturbateurs endocriniens, l’alimentation à risque, sucrée, salée, grasse, les pesticides dans la production agricole, tout s’impose à nous sans que nous soyons en capacité de le maîtriser.

    L’offre médias multiformes à information unique où le sensationnel le dispute à la peopolisation, la toute-puissance des réseaux sociaux, les fakes news, les critiques permanentes, les manipulations de toutes sortes rebutent, affolent le citoyen. Les sondages d’opinion avant d’avoir une opinion rythme leur doxa dominante et produisent un citoyen désarmé. Ce brouhaha médiatique, où une nouvelle chasse l’autre et ne tient pas plus d’une heure, transforme le citoyen en consommateurs individualistes et désabusés ou tout égale tout.

    La réduction du politique à l’administration des choses, aux commentaires, à la présidentialisation comme seul but, à l’absence de prise sur le réel induisent une société de consommation structurant un quotidien où le seul rêve est d’acheter, où l’avenir réside dans l’espoir que ses enfants puissent en faire autant.

    La globalisation dissout les centres de décisions, encourage des entreprises monde à vocation hégémonique échappant aux États. La globalisation stimule les capitaux fictifs, flottants, spéculatifs, échappant à la production matérielle et à l’intérêt général du citoyen.

    L’ordo-libéralisme européen d’une part, et la dégénérescence bureaucratique de l’État jacobin de la 5e République de l’autre, brident l’esprit d’initiative des citoyens et donnent à l’action publique un aspect hors-sol et démocratiquement incontrôlable.

    La violence dans la rue, les halls d’immeubles, les transports en commun, dans les mots, dans les manifestations, au travail comme pendant les parcours professionnels, dans l’enfance ou en fin de vie rendent la société insécure. Le citoyen subit cette violence sans réels moyens de la conjurer.

    La société elle-même joue à guichets fermés. Ceux qui n’ont pas la chance de naître dans la nouvelle aristocratie techno-financière n’ont que peu de chances de l’intégrer. Une société de castes est venue se substituer à la promesse républicaine d’égalité de destin. L’Éducation nationale ne permet plus de pallier les carences d’une société verrouillée par un système où la méritocratie est monopolisée par les élites. L’entre soi échappe au plus grand nombre pour raison de naissance, d’origine, d’histoire ou de couleur de peau. Combien de noirs, de Maghrébins à la tête des administrations centrales, des entreprises publiques, des médias, de la justice ou des armées ? La maîtrise de son propre destin échappe à tout un chacun. Il est temps de reprendre le contrôle sur la marche du monde et sur nos vies.

    Il est plus que temps de cesser de s’en remettre à l’ordre spontané du capitalisme libéral fait de désastre écologique, de relégation sociale, de crise économique qui mutilent et entravent nos existences. Il est temps de mettre de la raison et du sens commun dans l’économie. Il est temps de mettre de la décision collective dans la conduite du monde, de la maîtrise dans nos destins. Il est temps de faire du développement humain le véritable moteur de l’humanité.

  • Nous devons le dire avec force : les besoins vitaux de l’humanité sont supérieurs aux marchés.


    Mettre des limites à l’extension du régime de la marchandise, c’est faire de l’intégrité humaine le cœur du développement humain.

    Ce choix éthique, avant celui du tout marché, conjugue responsabilité individuelle et solidarité collective.

    L’intégrité humaine dans tous les domaines : le travail, la protection sociale, l’enfance et la fin de vie, la République, la science, le climat où la révolution de l’immatériel est constitutive d’une nouvelle société.

    La révolution de l’immatériel et du numérique a accéléré la métamorphose de l’économie de marché ; le progressisme d’hier, fait de révolutions ou de recours à l’État providence, a perdu de ses forces propulsives ; l’intégrité est constitutive de nouvelles lumières, d’un nouveau contrat social, d’une nouvelle social-démocratie qui n’attend pas des dividendes de l’État providence. La rente du progrès défend la préservation de l’intégrité humaine. Il ne s’agit plus seulement de domestiquer l’économie de marché par des réformes, comme l’ont fait nos aînés avec le capitalisme industriel. Il s’agit de fixer un nouveau but à la société : une nouvelle société où l’intégrité est la règle. La société doit devenir décente, sociale et écologique.

    L’intégrité humaine est un féminisme. L’égalité homme-femme dans le monde est son nouveau progrès. Le refus de la violence faite aux femmes, qu’elle soit domestique ou dans la rue, le refus du harcèlement sexuel, de la relégation, au nom d’un machisme séculaire, constituent le nouvel équilibre d’une société décente.

    Mais tout autant, le refus des discriminations de toutes sortes, sexuelles envers les homosexuels, humaines envers tous les handicapés, racialistes envers les noirs ou les Maghrébins, antisémites envers les juifs, religieuses envers une religion ou envers ceux qui ne veulent pas croire. Tout ce qui fait de l’autre l’ennemi à détruire, à exclure, à anéantir au nom d’une appartenance relève d’une agression contre l’intégrité humaine.

    L’intégrité humaine est écologiste par essence. La société est trop consommatrice de ressources trop rares ou périssables. L’avenir du genre humain est en jeu. Le productivisme a fait progresser l’humanité jusqu’au jour où il s’est retourné contre elle. Pour la première fois de son histoire, l’être humain est confronté à sa propre limite.

    La neutralité carbone en 2050, la stabilisation de l’effet de serre, la limitation du réchauffement a 1,5 ou 2 % maximum. Voilà le triptyque commun à toute politique faisant de l’intégrité du genre humain son objectif.

    Offrir un destin viable à la planète ne fait pas de l’humain l’ennemi de celle-ci. La stigmatisation de celui-ci et de la croissance est un antihumanisme.

    Quant à la démocratie, l’écosystème politique du genre humain, les nuages s’accumulent dans son ciel. L’idéal démocratique recule dans les têtes et dans les faits. La crise de l’efficacité politique en est la raison. Et le recul du politique l’est tout autant. L’idéologie de l’efficacité de marché pour satisfaire la consommation immédiate a dissout petit à petit l’intérêt général.

    La démocratie de l’après-guerre fut identifiée au libre marché. La liberté d’entreprendre et la liberté individuelle allaient de pair dans un monde frappé d’horreur par la Shoah et mobilisé contre le communisme. Les trente glorieuses donnaient du grain à moudre à cette idéologie. Mais la démocratie dispersive a produit l’individualisme consommateur, creusé les inégalités, les exclusions toutes sortes. Le néolibéralisme a transformé la liberté du marché en idéologie du profit aliénant les consciences, mutilant les citoyens, provoquant la société inégalitaire. Cette démocratie du libre marché est aujourd’hui mise en cause par le besoin de « commun ». Mais aussi par son incapacité à affronter les défis de 6 notre temps. Elle fait place à la montée de l’«illibéralisme» politique. Elle fait place au solutionnisme technologique, comme nouvelle régulation. Les deux se présentent comme plus efficaces qu’une démocratie lourde, lente, incertaine. Les libertés individuelles s’en trouvent altérées, voire mises en cause, comme avec le traçage des individus. Mais la démocratie est tout autant confrontée au vent populiste qui voit dans la démocratie représentative l’obstacle à l’émancipation du peuple. Pendant qu’à un autre pôle, la dépolitisation, la désidéologisation permet d’imposer le clivage ethnique, identitaire, voire racialiste comme une nouvelle grille de lecture.

    L’intégrité de l’être humain comme citoyen, c’est-àdire comme souverain de son destin, est un enjeu ; la technocratisation de la démocratie est son corollaire ; la tendance au régime autoritaire et l’ultime refuge du tout marché la menacent. Le populisme politique, lui, s’attaque au nom d’une démocratie radicale à notre tradition de citoyenneté, et partant au concept d’isonomie cher aux démocrates depuis l’Antiquité. Nul ne peut l’ignorer, la démocratie est en danger.

    Si la démocratie doit être inclusive, elle doit surtout, pour se refonder, renouer avec l’égalité et avec le respect de l’intégrité.

  • La société décente fait de la question sociale, écologique et démocratique une seule et même question. Un même et seul projet de société avec comme but : plus de démocratie, plus de justice, plus de transition écologique, plus de sobriété.


    Elle fait du pacte pour l’intégration sociale de tous, du bien-vivre de chacun, le but de la société. L’exclusion, la relégation, la pauvreté sont inacceptables. Ces plaies sont surmontables. Une société où les « sans » sont légions n’est pas une société. Les inégalités, la pauvreté, l’exclusion n’est pas naturelle. Il n’y a pas de nouvelle société sans se fixer l’objectif de réduire à néant ce précariat indécent. La question n’est pas qu’il y ait moins de riches mais moins de pauvres.

    Cette nouvelle société tend au vivre dignement selon ses moyens en mutualisant autant que possible les biens. Elle n’est plus seulement l’émancipation de l’individu à l’arraisonnement de la naissance, à l’emprise des dominations. Elle n’est plus seulement un progrès dont la technique est l’assise. Mais une société où le bien humain est la mesure de toute chose.

    La société décente est la société où l’humain est respecté dans tous les aspects de sa dignité. Une société où le maître étalon de la réussite ne saurait être l’enrichissement, le profit ou l’argent, mais le don de soi, la bienveillance envers les autres. Où l’action solidaire au profit de tous plutôt que l’action individuelle pour le profit est la première des valeurs.

    Le drame sanitaire du Covid-19 au printemps 2020 a conduit à modifier le regard sur des personnes dont on tenait pour acquis qu’elles étaient là pour servir et dont la fonction apparaît aujourd’hui comme centrale dans le fonctionnement de notre société. Les premiers de tranchée contre la maladie ont symboliquement pris la place des premiers de cordées. Les applaudissements planétaires chaque soir ont démontré qu’une autre hiérarchie des valeurs était possible.

    La société décente fait de l’amélioration de la sécurité quotidienne la base d’une société sûre où chacun maîtrise sa vie tout au long de la vie. Elle fait de l’extension des droits son moteur et du respect des devoirs civiques son viatique.

    Les droits d’abord :

    Les droits dans l’emploi avec la sécurisation des parcours professionnels ; le travail pour vivre et non vivre pour le travail. Le travail n’est une valeur centrale qu’à cette seule condition : un revenu minimum vital pour les familles qui en ont besoin ; un éventail raisonnable des salariés. Mais aussi le droit à l’éducation et la formation tout au long de la vie ; un droit à la santé avec la défense du libre accès à son bilan de santé et de soins ; dans la culture, les loisirs, le sport avec le droit au temps libre pour chacun ; dans le logement avec une politique du logement digne et abordable ; et dans l’alimentation avec des produits sains, des circuits courts et une agroécologie accessible au plus grand nombre.

    Mais l’un des premiers droits est la libre association au service de tous : aux côtés des fonctions régaliennes de l’État, des fonctions représentatives démocratiques ou syndicales. Le mouvement associatif est la manifestation d’une société engagée pour les autres, de la solidarité en acte, du lien social au plus proche des citoyens.

    Les devoirs ensuite :

    La société décente n’est pas réductible à un libre marché, au droit à la consommation. Le vivre ensemble la constitue et la communauté de destin l’administre. Le respect des règles communes, du droit, des êtres vivants, de la biodiversité, de l’autre être humain est sa morale. La solidarité envers les plus faibles, la préservation des libertés individuelles et de la liberté de conscience sont d’imprescriptibles devoirs.

    La société décente est un combat permanent car l’idéal d’une société sûre ne peut être qu’une tension permanente dans le monde capitaliste régi par l’économie de marché, sachant que le marché ne fait pas société.

    La société décente est la société sûre et du bienvivre. Son aboutissement marque la fin du néo-capitalisme libéral.

  • Pour un nouveau modèle de développement tout milite pour une nouvelle économie politique : l’urgence du court terme avec la récession devant nous ; le long terme avec l’urgence d’une croissance propre.


    D’abord l’urgence économique et sociale :

    Il faut protéger pour éviter de l’effondrement. Et si la protection de la production ne peut se faire au détri- ment du social, elle nécessite des dispositions spé- cifiques. Car l’activité en moins, ce sont des entrées fiscales en moins, de la précarité et du chômage en plus. L’accroissement des déficits, pour nécessaires qu’ils soient à court terme, ne fait pas une politique. C’est en deux temps qu’il faut envisager la politique économique : éviter l’effondrement et bâtir une nouvelle croissance. Ces deux en un ne peuvent être abordés avec les outils conceptuels libéraux d’hier. Il faut rompre avec le consensus de Washington, qui oblige depuis quatre décennies à la stricte discipline budgétaire, à la baisse de la pression fiscale sur le capital, à la contraction des salaires, à la mise en cause de l’État social.

    Il faut s’émanciper de ce diktat idéologique et c’est ce que nous commençons à faire pour conjurer la catastrophe.

    La BCE a injecté dans l’économie européenne les moyens nécessaires au premier choc. Les États ont mis en œuvre une politique de première néces- sité (chômage partiel, report de charges...). Les normes budgétaires ont volé en éclats. Ce qui était hier impossible est devenu nécessaire. Il n’est pas opportun de le critiquer.

    La crise étant tout à la fois celle de l’offre et de la demande, il faut répondre aux deux, stimuler la consommation et soutenir l’offre. Cela veut dire : renforcer l’aide aux PME (allègement exceptionnel de l’IS) ; verser une prime de pouvoir d’achat de 1000 euros (aux ménages de moins de 4000 euros) ou une prime exceptionnelle pour les personnels exposés ; mais aussi mutualiser la contribution à la relance (taxe exceptionnelle de solidarité sur la fortune et abandon de jours de congés ou de comptes épargne temps) ; imposer une prohibition de 6 mois dans le rachat des entreprises françaises ; mais aussi la dis- tribution forfaitaire d’argent hélicoptère ( ex.1000$ aux États-Unis ) et en plusieurs fois ; étaler dans le temps les charges et soutenir les trésoreries par des prêts bancaires garantis par l’État, tout en soutenant la relance du commerce de proximité à travers la vente à domicile. L’urgence nécessite un plan d’en- semble tout autant que la nouvelle croissance.

    Si une attention particulière doit être apportée aux secteurs stratégiques – santé, agroalimentaire, défense, nouvelles énergies, nouvelles technologies, il faut immédiatement penser une nouvelle politique économique. Son fil à plomb est la réindustrialisa- tion par la reconquête technologique et donc la prio- rité nationale sera les dépenses dans la recherche numérique, l’intelligence artificielle et l’écologie. C’est dans cette dimension écolo-numérique que réside la nouvelle croissance.

    La croissance est à ce prix. Et c’est une nouvelle politique économique qui doit la porter.

    Non seulement la révolution de l’immatériel doit être investie par la puissance publique, mais il faut la penser comme un nouveau développement des forces productives, de la démocratie. La maîtriser, comme une nouvelle vie de l’État social, comme un co-développement écologique, loin des théories de décroissance et du numérique totalisant. C’est un nouveau développement économique et humain, une nouvelle frontière qu’il faut fixer à la politique économique. C’est la raison pour laquelle on ne peut déléguer ce nouvel Âge de notre croissance à des « entreprises Monde ».

    La nouvelle économie politique ne sera pas l’écologie radicale ou la radicalité technologique. Mais le réformisme écolo-numérique de notre temps qui allie l’impératif de l’un et la maîtrise de l’autre dans une tension commune pour l’intégrité humaine.

    L’écolo-numérique est la nouvelle révolution industrielle, moteur d’une nouvelle société. Elle induit un nouveau rapport au travail qui doit générer ses protections. Elle propose des nouveaux modes de consommation qui doivent permettre le développement des circuits courts. Elle propose de nouveaux modes de loisirs qui doivent être investis par la culture et l’éducation. Elle doit permettre une démocratie plus directe, plus inclusive, plus instructive.

    La France, mais aussi l’Europe doit porter ce big-bang avec leurs propres outils et leur propre éthique, c’est-à-dire l’intégrité humaine. Il s’agit ainsi de créer un nouveau modèle de développement.

    La dépendance aux données anglo-saxonnes et aux matériaux rares monopolisés par la Chine est un problème majeur de souveraineté. C’est ici que réside la vraie frontière du XXIème siècle.

    La nouvelle croissance ne peut plus se mesurer en termes quantitatifs comme le fait le produit intérieur brut. Mais si l’emploi ne serait être négligé au nom d’un nouvel indicateur qualitatif, celui-ci doit rendre compte de la nouvelle politique économique du nouveau modèle de développement.

    Une nouvelle fiscalité doit s’imposer, doit s’intégrer avec cet objectif. La taxocologie ne saurait être le meilleur moyen pour la transition écologique. Il faut unir écologie et l’innovation. Ce n’est pas la finance qu’il faut verdir, c’est d’abord la production. Et pour que celle-ci soit au rendez-vous de ce défi, elle doit être tirée par les nouvelles technologies. Quant à la fiscalité elle-même, elle doit retrouver du sens. Comme hier le consentement à l’impôt était porté par l’industrialisation et l’extension des services publics. L’impôt doit être au service d’un État stratège pour le nouvel Âge de la croissance. Il lui faut retrouver sa progressivité, une assiette plus large, des taux modérés et le concours de tous les acteurs sociaux, avec le recours aux impôts exceptionnels sur la richesse en fonction d’objectifs humains. Quant à la taxation des GAFA, elle doit correspondre à leur nature. Mieux vaut taxer le clic que le chiffre d’affaires.

    Une nouvelle hiérarchie, un nouveau modèle de gouvernance s’impose dans cette nouvelle politique économique.

  • La crise économique, ses faillites, son chômage qui explose exigent l’urgence. Mais l’urgence ne doit pas être contradictoire à l’essence. Il faut mettre un frein à l’extension du domaine marchand sur toute la société, préserver les services essentiels à une nation dont les critères doivent procéder d’abord de l’intérêt général.


    Pour la droite libérale, la dépense publique est une servitude qui entrave le marché. Nous pensons qu’il ne peut y avoir de libre marché sans les services essentiels qui les équilibrent.

    La santé, le social, l’éducation sont un bloc essentiel au vivre ensemble dans une société décente.

    La santé d’abord ! On jura, un peu tard, que la santé ne serait plus le parent pauvre des services publics. La santé n’est pas un coût mais un investissement : rompre avec les politiques qui ont fait de la santé la valeur d’ajustement de l’austérité ; rompre avec des politiques drastiques de lutte contre les déficits et de quête ubuesque des 3% de déficit.

    La santé se doit d’anticiper les drames sanitaires à venir :

    Au premier chef, la surveillance de nouvelles pandémies et le traitement des maladies chroniques. Il en est une qui, selon l’OMS, est pratiquement hors de contrôle et qui ne cesse de s’étendre chez les plus pauvres : le diabète. Mais le cancer, le Sida, les maladies cardiovasculaires ou l’Alzheimer sont à l’ordre du jour de l’humanité. Sans tomber dans le précautionnisme et l’hygiénisme qui sont aussi des antihumanismes. Il faut refaire de la santé le service essentiel de la nation.

    L’État social est ce qui distingue les sociétés sociales des sociétés libérales.

    Depuis les années 70 et le consensus de Washington, l’État social, né en Europe entre la Grande Bretagne, l’Allemagne et la France, est remis en cause. Il est identifié comme un obstacle à la compétitivité, un poids budgétaire excessif, un frein au libre marché. La privatisation de ce pan de la solidarité est en même temps un objectif du même marché. La Sécurité sociale, l’allocation chômage et la retraite sont constitutives du pacte social. Ce contrat social qui doit être bien géré et cogéré par les syndicats mais protégé des normes du marché. Les services essentiels échappent à la rentabilité. Ils appartiennent à la cohésion de la nation et doivent être mis sous la protection de la nation. Ce contrat social doit être réaffirmé. Il doit s’enrichir d’un fonds national pour aider les locataires dans la difficulté, et d’un revenu minimum pour les familles frappées par la pauvreté. La lutte contre les trois relégations, le seuil de pauvreté, l’illettrisme et l’exclusion numérique sont parties prenantes du nouveau contrat social. Pendant que la sécurité professionnelle et la formation deviennent le sac à dos social de chaque citoyen tout au long de la vie. Le contrat social est donc le second service essentiel.

    Le troisième pilier des services essentiels réside dans l’Éducation nationale et la culture.

    Il faut défendre l’éducation et la culture comme civilisation. L’apprentissage et la culture sont indissociables de la citoyenneté. Et il n’y a pas de société mobilisée moralement et économiquement sans un haut niveau de culture.

    Le but de l’éducation doit être la formation d’individus, libres citoyens et polyvalents pour aborder la vie. La formation professionnelle doit être le nouvel horizon de l’éducation. Dans la compétition mondiale, la haute qualification est un atout majeur.

    La formation à l’écologie et aux nouvelles technologies doit trouver sa place comme nouvelle morale et pratique de la société.

    Premier budget, premier sujet, premier projet, l’éducation et la culture tout au long de la vie sont la marque et la trace de la civilisation.

    Quant aux services publics, indispensables au service du public, ils doivent évoluer sous l’impact du numérique mais ils restent essentiels au vivre ensemble. Ils coûtent chers en période de croissance. Ils nous protègent chèrement en période de crise. Ils assurent l’égalité des citoyens par tous les temps.

    La sanctuarisation des services essentiels et la protection des services publics sont une des références de la société décente.

  • La France est largement jacobine. Nous la voulons résolument girondine.


    La centralisation de l’État tout au long des siècles, de la royauté à la révolution, de l’Empire aux Républiques, a constitué la Nation française.

    Ce monopole du pouvoir central a unifié les régions, diffusé l’instruction, planifié le développement économique.

    Avec la Vème République, la centralisation du pouvoir et de l’administration ont fusionné.

    Si la Vème République est à bout de souffle, la centralisation administrative est aujourd’hui essoufflée. L’État jacobin, tel qu’il est advenu, ne correspond pas aux Français d’aujourd’hui dans la France d’aujourd’hui, ni au monde de demain.

    Une lente bureaucratisation s’est installée, étouffant l’initiative pendant que l’État se paupérisait.

    La révolution du numérique s’impose et une nouvelle organisation de la société aussi. Elle délaisse la structure verticale de l’ère industrielle au profit de l’horizontale, de l’ère immatérielle.

    Nous vivons une révolution et une véritable dégénérescence de l’État et des appareils idéologiques d’État, pendant qu’une aristocratie technocratique issue du monde d’hier bride la France de demain.

    Les libéraux, eux, ne veulent pas porter atteinte à l’État jacobin mais souhaitent que celui-ci privatise les services publics. Ils ne veulent pas un nouveau compromis mais l’extension du domaine du marché.

    La France doit se libérer du carcan des centralisations multiples qui freinent son dynamisme : centralisation administrative et politique qui veut que tout procède de l’Élysée ; centralisation financière qui veut que tout se décide à Bercy ; centralisation économique qui veut que les « entreprises monde » imposent leurs modèles de consommation à obsolescences programmées.

    Ce nouveau compromis historique entre l’État et les collectivités doit faire de la bureaucratisation son sujet et rendre aux puissances publiques leur efficacité.

    Ce nouveau compromis suppose quatre ruptures : premièrement, pas de décentralisation sans autonomie propre à chaque niveau de collectivité ; deuxièmement, pas de décentralisation sans redéfinition des missions de l’administration centrale dont les tâches doivent se concentrer sur le régalien ; troisièmement, pas de décentralisation sans donner aux collectivités une compétence pleine et entière dans tous les domaines transférés par l’État ; quatrièmement, pas de décentralisation sans transfert de nouvelles compétences.

    Ce nouveau cours de la nation doit être tranché par la nation elle-même.

    Elle s’accompagnera d’une véritable démocratie budgétaire en supprimant l’article 40 de la Constitution et ainsi transfèrera le pouvoir d’élaboration budgétaire de Bercy à la représentation nationale.

    D’une part, la décentralisation doit être le lieu de la démocratie partagée. D’autre part, l’État doit être celui d’un régalien restauré.

    La sécurité, la justice, la diplomatie, la défense sont à rebâtir. Tout le reste doit être décentralisé même si l’Éducation nationale doit être aménagée, les services essentiels préservés et l’orientation de la nation codécidée.

    Dans le domaine régalien, la sécurité est la première des libertés. On ne peut défendre le vivre ensemble sans une police formée, motivée, encadrée et respectée. Il faut, pour ce faire, assurer aux citoyens un droit égal à la sécurité. Ceci implique de revoir l’organisation de nos services de sécurité verticaux et étanches. La police doit prioritairement protéger les citoyens et non être une police du pouvoir. La défense des forces de sécurité mais aussi le strict respect de leur déontologie sont nécessaires pour faire de ceux-ci un garant du vivre ensemble. Il faut la libérer des actions chronophages pour la recentrer sur son objet : casser les bandes qui gangrènent les quartiers et la société. C’est un autre aspect des conditions du
    vivre en société. Pour ce faire, il faut rendre obligatoires les polices municipales en leur confiant les tâches de proximité aujourd’hui dévolues à la Police nationale. Enfin, il est temps de mettre sur pied une « Garde nationale » mobilisant les réserves de l’Intérieur, de la gendarmerie et de l’armée, encadrant un service civique de mission pour tout jeune de 20 ans.

    Mais, il n’y a pas de sécurité sans liberté et justice indépendante.

    À force d’état d’urgence répété et de législation d’exception installée, on transforme les régimes d’exception en mesures permanentes, telles les fouilles, les interdictions administratives, les assignations à résidence, des rétentions de sûreté dont la mise en œuvre relève du pouvoir discrétionnaire de l’administration bien plus que l’autorité judiciaire.

    La justice souffre toujours de son fil à la patte d’un État politique présent nommant et influençant la justice. Aucun président n’a voulu renoncer à ce lien de subordination. Le temps de la dépendance punitive et de l’attitude des magistrats pendant la Seconde Guerre mondiale est révolu. La rupture définitive entre le parquet et l’exécutif est devenue essentielle. La France a été à maintes reprises condamnée en Europe pour ce refus d’indépendance. Mais, dans le même temps, les droits de la défense doivent équilibrer la procédure accusatoire. L’un ne va pas sans l’autre.

    La diplomatie doit être réarticulée autour d’une stratégie d’influence plus que d’une stratégie de puissance sans les moyens de l’exercer.

    La défense forte du nucléaire, aujourd’hui confrontée à la guerre des drones et des robots sans les moyens de la mener, ou aux « guerres bactériologiques » sans les moyens de les conjurer, sans oublier la cyber-menace devenue une réalité, doit être repensée.

    Le Général de Gaulle, à la fin des années 30, pensait la guerre et réclamait l’investissement dans les chars. Il faut penser la guerre qui vient pour nous maintenir en paix sans renoncer à mutualiser notre sécurité en Europe.

  • La République est la forme la plus aboutie de la patrie. Le cri de liberté du 14 juillet lancé au monde entier fut perçu comme un défi aux monarchies et un espoir pour les peuples. Il résonne encore de nos jours.


    Les révolutionnaires de 1789 étaient appelés les patriotes. Leurs combats, dans le tumulte de la Révolution et parfois dans la terreur, étaient celui de l’égalité, la liberté et la fraternité. Ce message universel est le contraire du nationalisme ethnique défendu par les identitaires de l’extrême droite et d’une partie du bloc conservateur.

    L’amour véritable de la patrie comme lieu d’exercice de la démocratie est l’école du vivre ensemble et non le lieu de la domination ethnique.

    Les patriotes des temps modernes rappellent l’importance des valeurs humanistes dans la définition de la France.

    La patrie républicaine est en danger puisque la démocratie l’est. L’esprit mauvais de la xénophobie tente de se faufiler dans les interstices des inégalités des relégations des exclusions. La xénophobie est le tombeau de la patrie. Le nationalisme identitaire est à la République ce que le fanatisme est à la religion.

    Aujourd’hui, un bloc de plus de 30 % de Français fait des Français de souche le discriminent français. Les théories sur le grand remplacement envahissent l’imaginaire français confondant à dessein le prétendu ADN français et la République. L’identité nationale, conçue comme une identité totalisante, arraisonne l’individu à une ethnie et congédie l’autre être humain au nom de celle-ci. Les pires barbaries ont été conçues à partir de cette prétendue pensée.

    L’hybridation est le propre de l’humanité depuis l’Aube des temps. Et seules les valeurs qui fondent la République constituent ses frontières. La République combat tout à la fois les identitaires qui veulent exclurent tous ceux qu’ils n’estiment pas Français et le séparatisme intégriste dans la République, refusant les principes de celle-ci au profit d’une lecture fanatisée de leur religion.

    La laïcité est donc le cœur de la République. Elle est la garantie du vivre ensemble. Elle est la forme la plus achevée de la liberté de conscience arrachée à l’absolutisme par la Révolution française.

    Bien avant le droit de croire ou de ne pas croire, la laïcité est l’édification d’un droit fondamental, celui de la liberté de conscience, de l’égalité et de la fraternité.

    C’est l’apport français - certes minoritaire dans le monde - au patrimoine moral de l’humanité.

    Être français, c’est conquérir des droits. Les droits sont une condition du vivre ensemble.

    L’égalité doit être réelle et non formelle. La liberté doit être ordonnée et non la jungle des pulsions. Et la fraternité ne peut être que laïque, sinon elle ne peut exercer son message.

    Le drapeau de la République n’est pas un nationalisme mais un humanisme à vocation universelle.

  • L’Europe fut la rédemption d’un siècle de guerres, de barbarie, et de nationalisme en Europe.


    L’Europe fut la rédemption d’un siècle de guerres, de barbarie, et de nationalisme en Europe. 

    Plusieurs générations ont vécu en paix, en partie grâce à l’Europe. L’effondrement de l’URSS, la libération des pays d’Europe centrale, la réunification allemande n’ont débouché sur aucune guerre. Pour la première fois, la fin d’un Empire n’a pas débouché sur des conflits. 

    L’Europe n’est pas une nation mais une construction. Elle n’a pas de légitimité propre mais elle est le produit de la volonté des nations qui la composent et les traités qui l’unifient. 

    L’Europe a pour autant des traits qui la différencie d’autres parties du monde. Un haut niveau de liberté, la séparation des pouvoirs, un État de droit, une puissante société civile, mais aussi un idéal d’égalité. L’Europe est le berceau du mouvement ouvrier, de la social-démocratie et de l’État social. La place des femmes y est plus respectée qu’ailleurs et le racisme moins toléré. L’éducation pour tous et la culture pour chacun est une réalité. Et l’indépendance de la presse assurée. Enfin, l’Europe est le continent le plus sensible et le plus avancé dans la lutte contre le réchauffement climatique. Si L’Europe est l’un des plus grands marchés au monde, le chômage, les inégalités, les relégations y sont légion.  

    Deux tentatives de l’unifier ont échoué : celle d’un grand marché sans autres règles que celles du droit à la concurrence s’est abîmée dans le Brexit ; celle de la subsidiarité où une hiérarchie unifiée de droits et de devoirs des nations devaient régir l’Europe unifiée sous la bannière d’une constitution s’est heurtée à l’échec du traité de Maastricht. Adoptée sans avoir été adoubée par les peuples, elle a laissé place à un traité de Lisbonne sans portée réelle. 

    L’Europe est dans un entre deux, mi-supranationalité mi-grand marché, mais aucune nation n’ayant totalement adopté l’un ou l’autre. 

    Elle s’en suit une construction ordolibérale où la norme des traités est le droit et le libéralisme économique la logique.  

    À cette construction, pour le moins byzantine, se conjugue la tentation d’une Europe allemande. Le récent arrêté de la cour de Karlsruhe vient de nous en administrer la preuve. Elle intime l’ordre à une institution communautaire la BCE de justifier son action au regard des traités. Tant que l’Allemagne ne sera pas européenne, l’Europe butera sur la solidarité et son développement. 

    L’Europe doit se réorienter et pour tout dire se reformuler autour d’un principe qui dénoue les contradictions en cours : l’Europe coopérative. 

    L’Europe mutualise ce qui lui permet de rivaliser à des ensembles continentaux comme les États-Unis ou la Chine. L’Europe forge des objectifs communs qui viendraient se substituer à l’Europe du seul marché et de la quête de la subsidiarité. L’Europe doit revenir à la théorie de l’engrenage chère aux fondateurs du traité de Rome où on évoquait, à juste raison, des politiques communes. L’erreur fut de bousculer les rythmes par une constitution européenne qui tentait un compromis entre l’Europe politique et le marché libéral et échoua sur l’incompréhension des deux. L’autre erreur symétrique fut sous l’impulsion de l’Angleterre de s’en tenir à un grand marché de libre-échange. Il faut donc aujourd’hui l’Europe coopérative.

    Dans le domaine de la défense, la sécurité, le climat, la culture, de la prévention des risques, la coopération est essentielle.  

    Dans le domaine économique, la coopération vient de faire un bond déterminant en décidant de lancer un plan de soutien commun de 750 milliards d’euros. 

    La prochaine étape doit être le serpent fiscal comme il y eut le serpent monétaire dans les années 80. Les règles de l’emploi doivent suivre le même chemin, non pour un grand marché mais un vrai marché, avec un haut niveau de protection sociale. 

    Un conseil de sécurité écologique doit permettre de construire une volonté commune dans ce domaine. Et une politique commune du numérique exercera notre indépendance et la maîtrise de notre destin dans le monde de demain.

    L’Europe n’est pas une grande Suisse mais une civilisation qui a vocation à l’équilibre dans le monde.  

    Elle doit se doter d’une Est politique. La géographie commande de maintenir la tête occidentale de la Russie en Europe et non de laisser dériver cette dernière dans un duopole avec la Chine. La participation de la Russie au sommet à l’organisation de coopération de Shanghai et le lancement d’une fusée russo-chinoise habitée en sont les manifestations. 

    Mais l’Europe et au premier chef la France doivent promouvoir l’Euro-Méditerranée. Il s’agit ainsi de retrouver un nouvel espace de croissance et de mutualiser les moyens pour coopérer avec l’Afrique, futur relais de croissance mondiale.  

    L’Euro-Méditerranée ne peut se désintéresser du Moyen-Orient qui est son arrière-cour. L’intégrité du Liban, d’Israël et d’un futur État palestinien, des Kurdes, des chrétiens d’Orient, des Druzes, d’une coexistence pacifique entre chiites et sunnites sont constitutives d’une diplomatie de proximité essentielle à la sécurité européenne. 

    Si la France fut le bras armé de l’Europe au Mali contre le fanatisme terroriste islamique, elle doit être considérée comme telle. Ses dépenses militaires doivent compter dans le calcul de ses déficits. 

    L’Europe coopérative doit être portée par une vision du monde et de ses intérêts vitaux. Les traités de libre-échange sont aussi stratégiques que l’Est politique et l’Euro-Méditerranée d’autant qu’ils impliquent un moins-disant social et environnemental.

  • Le marché mondial s’est unifié après la chute de l’Empire soviétique, après la conversion de la Chine à l’économie de marché et la non-convertibilité du dollar en or par Nixon. La décolonisation ayant fait son œuvre, les pays émergents cherchent aussi à s’insérer dans le marché mondial en utilisant la faiblesse de leurs coûts salariaux.


    La globalisation est une réalité géopolitique, sans être pour autant, un marché unique avec des règles communes édictées par l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC). Le marché, les échanges et le commerce sont devenus avec la nouvelle économie numérique les enjeux stratégiques des temps modernes. 

    Le monde occidental qui dirigeait le monde depuis le XIVème siècle n’est plus en capacité de le faire. La mondialisation économique a induit la relativisation de la puissance étatique. 

    La démondialisation n’est l’intérêt de personne alors que la relocalisation (de la santé par exemple) et le juste échange est celui de tout le monde. 

    Le juste échange induit des normes sociales et environnementales limitant le dumping dans les échanges. L’Europe est l’espace critique pour le faire et la France doit le promouvoir. L’Europe doit trouver le chemin de la puissance dans le monde en inventant un protectionnisme européen fait de normes sociales et écologiques basées sur le juste échange.

    Plus le monde s’unifie par le bas pour le libre marché, moins il est politiquement unifié. 

    Le monde est passé, en moins d’une génération, du duopole équilibré par la terreur nucléaire entre les États-Unis et l’URSS à l’hyperpuissance américaine, puis, après le 11 septembre 2001 et le fiasco irakien, à un monde apolaire. Cette situation est transitoire. Un nouveau duopole est en gestation entre la Chine et les États-Unis.

    L’enjeu de la future confrontation est la révolution de l’immatériel, la maîtrise technologique et du commerce qu’il induit. 

    La Chine, qui rumine en secret l’humiliation du traité de Nankin et le Sac du Palais d’été au début du siècle dernier, vient de sortir de sa muraille. Sa nouvelle stratégie de la route de la soie est un changement majeur. Ce n’est plus l’Occident qui vient à la Chine mais la Chine qui vient à l’Occident. Il ne s’agit pas seulement d’assurer son rayonnement mais d’affirmer son modèle. 

    Les États-Unis ont vu leur hyperpuissance, le produit de leur victoire dans la guerre froide, sombrer dans les sables irakiens. Intervenant pour des raisons largement idéologiques, les États-Unis ont provoqué, en retour, un terrorisme islamique fanatique. Ce dernier s’est arrogé un prétendu État menaçant de nombreux pays et provoquant des attentats. Les États-Unis, tirant les leçons des années Bush et de la découverte du pétrole de schiste dans leur sol, suivent un cours protectionniste déjà commencé sous Barak Obama, se repliant en plus ou moins bon ordre de toutes les institutions internationales. Les États-Unis ne souhaitent ni être les gendarmes du monde, ni que la Chine, l’Europe ou, dans une moindre mesure, la Russie ne s’impose. 

    Comme la Chine, la puissance américaine est au service de son commerce et de la conquête des nouvelles technologies. 

    Nul ne peut dire où conduira cette guerre immatérielle. Mais la France et l’Europe devraient en être des non-alignés avec les moyens de l’être. Pouvoir maîtriser cette indépendance technologique est devenue stratégique. 

    La récession mondiale, le retard dans la lutte climatique vont combiner des migrations économiques et climatiques. La question démographique et la gestion des flux de l’humanité vont peser sur les systèmes nationaux.  Là encore, il nous faut penser une nouvelle donne. Il est nécessaire de retourner la formule de Michel Rocard : « la France n’a pas vocation à accueillir toute la misère du monde. Mais elle doit accueillir sa juste part ». Il nous faut dire : « La France doit accueillir sa juste part de l’immigration mais elle n’a pas vocation d’accueillir toute l’immigration du monde ». Et, au-delà de l’immigration ponctuelle pour les travaux agricoles ou l’accueil des étudiants étrangers, Ô combien stratégique pour la France, l’immigration ne peut être traitée qu’au niveau européen (Avec une stratégie de quotas, d’écluses européennes et d’un traitement à la racine permettant la sédentarité).

     Si, comme tout l’indique, nous allons connaître une vague nationale de populisme, faisant de la protection de l’identité le cœur de la protestation anti-élite, alors, il faut affronter les racines de la crise économique et celle des migrations pour assécher le ressentiment et traiter les problèmes.  

  • La France est frappée d’une crise politique permanente : un néolibéralisme inadapté, une désindustrialisation jamais remplacée, des institutions sclérosées, un État jacobin inapproprié, un rejet des élites revendiqué, un bipartisme paresseux et sans arrêtes. Ils ont conduit le pays à la crise récurrente et à la fragmentation politique. 


    Le scrutin majoritaire à deux tours a permis de juguler les crises, là où la IVème République était incapable de faire. La stabilité du pays fut à ce prix. Elle priva la France de toute alternance, pendant 10 ans, et déboucha sur une révolte générale en 1968. De nos jours, la Vème République n’est plus capable de produire des majorités stables. Elles sont massives mécaniquement comme un prolongement de la présidentielle puis elles se délitent face aux réformes. Et, pour les incarner, nos institutions ne sont même plus capables de « produire des Bonapartes », à la hauteur de ce qu’exige la Vème république. Les défis de notre époque ressemblent à ceux auxquels le Général de gaulle voulait s’affronter : Reconstruction, préparation aux trente glorieuses, décolonisation, réorientation stratégique de la France vers l’Europe. Mais si les problèmes ont la même ampleur, cette France des années 60, qui reste l’imaginaire politique sur lequel nous vivons est obsolète. 

    Il y a le projet de société et l’unité dans la société. Le premier est le but, le second sera le moyen. 

    Il est nécessaire que le dessin soit porté pour que l’union soit forgée. La tâche d’une coalition. 

    arc-en-ciel s’articulera autour de trois piliers la cohésion, la prévision et la décentralisation : reconstruire un lien Républicain par une justice sociale ; reconstruire un avenir maîtrisé par un destin partagé ; reconstruire la nation républicaine par une décentralisation assumée. 

    Les crises conjointes nous assaillent. La lente décomposition saisit la France. Le besoin de pans entiers de la société de secouer l’ordre ancien. Tout ce nouveau monde chaotique se heurte à des institutions que s’affaissent et bride les forces d’une nouvelle société. Il faut une nouvelle donne, une nouvelle architecture, un nouveau compromis entre l’État et les collectivités locales.  

    Il faut substituer aux majorités pléthoriques et godillots des coalitions de représentants de partis différents sur des projets de gouvernements. Les coalitions d’objectifs peuvent prendre en charge les modernisations nécessaires et surmonter la fragmentation, le temps d’ouvrir le pays à une nouvelle modernité.  

    La proportionnelle et la coalition sont les deux moyens d’une stabilité nécessaire à une nouvelle époque. 

    La gauche, hégémonique culturellement depuis le Conseil national de la Résistance (CNR), ne l’est plus. Le néolibéralisme obsolète et le national-populisme redoutable se sont substitués à une gauche qui s’est inscrite, en France, en imposant des nouvelles normes sociales dans la durée au pouvoir, mais y a perdu son sens de l’histoire. François Mitterrand a inscrit la gauche dans la durée et a évité que la réunification allemande ne débouche sur un conflit européen. Lionel Jospin a conduit une gauche plurielle sur le terrain de nouveaux droits et de la modernisation sans crise dans la cohabitation. François Hollande a géré les déficits en évitant les admonestations de la Commission et du Fonds Monétaire International (FMI) et l’explosion sociale de type gilets jaunes. La gauche de gouvernement n’a pas à rougir de son bilan même si elle doit mesurer son pragmatisme et sa timidité à affronter l’injustice du monde. 

    La gauche française, comme la gauche dans le monde, est en proie aujourd’hui à la dislocation, la fragmentation et l’interrogation sur son sens. 

    La disparition de l’Union soviétique, la globalisation, la révolution de l’immatériel, l’impératif climatique, le consumérisme de masse, le recul du prolétariat et l’émergence d’un précariat de masse et la montée du national-populisme et du complotisme sont un ensemble de facteurs concomitants et structurants qui ont eu raison de la quête révolutionnaire ou la requête d’une redistribution. 

    Nous sommes dans un nouveau monde. Les querelles d’hier n’ont aucune portée dans le monde de demain. Il nous faut définir une nouvelle frontière de justice, une NOUVELLE SOCIETE qui correspond aux données du moment présent. 

    Le mouvement progressiste est divisé entre les tenants de l’adaptation à la globalisation et les tenants de la résistance. Nous nous proposons de bâtir une troisième voie sur des concepts nouveaux qui redonnent à la justice, l’égalité, la liberté, un nouveau souffle.

    L’unité est indispensable, le Front populaire, l’Union de la gauche, la Gauche plurielle ont été les très riches heures de la gauche en France. À chaque fois le Parti socialiste en fut le tuteur, la colonne vertébrale et le moteur.

    Aujourd’hui, si les forces écologistes et radicales se portent bien, il manque une force alternative, une stratégie, un homme ou une femme pour les porter sous la Vème République.

    Nous voulons concourir à ce renouveau au travers le réseau NOUVELLE SOCIETE que nous fondons. Nous voulons réarmer la gauche pour lui permettre d’affronter ces nouveaux défis.

    Le bloc des forces de gauche peut porter de nombreux espoirs. Mais l’espoir ne fait pas la victoire. Il doit être ordonné par une force identifiée en prise avec les réalités et très unitaire. C’est la quête d’une nouvelle social-démocratie. Or, celle-ci est urgente face à un front populiste en gestation, une droite ultra-libérale et un libéralisme politique sans ressort ni base sociale.

    La gauche doit se reformuler pour construire un nouvel imaginaire, la nouvelle social-démocratie à partir d’un nouvel Épinay avec comme stratégie un arc-en-ciel social, écologique propre à fonder une nouvelle France.  

    La gauche ne doit pas s’opposer à un homme mais proposer une autre politique autrement. C’est la grande alternative, celle d’une NOUVELLE SOCIETE qui commence.