1. MESURER LES REMISES EN CAUSE POUR MIEUX LES SURMONTER

Depuis 2008, le modèle globalisé fait l’objet de multiples remises en cause. La domination, le libéralisme et le marché sans contraintes ni temps mort sont partout reconsidérés par des mouvements sociaux, la montée du national-populisme, le règne des identités de toutes sortes. L’individualisme consommateur ne permet plus de donner un sens au monde quand il n’est pas questionné par les conséquences écologiques qu’il induit.

La pandémie a mis à mal bien des certitudes. Le modèle globalisé fait l’objet de multiples contestations. 
On s’interroge : fin de la mondialisation, retour des Nations, temps d’arrêt ou nouvelle mondialisation plus juste et durable ?

C’est cela LA CRISE DES CRISES.

La crise est le symptôme du passage d’un mode de fonctionnement à peu près stable et cohérent à un autre dont on ne sait pas encore ce qu’il va être. Une seule chose est sûre : les questions en jeu, les paradigmes mentaux utilisés, les modèles de fonctionnement, les institutions, les règles du jeu qui prévalent depuis la fin de la deuxième guerre mondiale sont caducs. Ils ne sont plus opérants, ils ne le seront plus.

Cette multiplication des crises masque en effet un véritable changement de Monde. Comme le disait Gramsci « la crise consiste justement dans le fait que l’ancien meurt et que le nouveau ne peut pas naître : pendant cet interrègne on observe les phénomènes morbides les plus variés. ».

« L’ancien meurt » avec la fin de la guerre froide qui organisait les conflits régionaux selon un schéma bipolaire.
Les crises actuelles constituent des menaces démultipliées et convergentes. La guerre froide avait congelé, voire contenu bien des phénomènes. La fin de la guerre froide les a libérés : terrorisme, criminalité, prolifération des armements, conflits interétatiques ou intraétatiques liés à des divisions religieuses ou ethniques ou à l’attitude de certains dirigeants, voire la nature de certains régimes, la fragilité de certains Etats. On évoque ici ou là une forme de « moyen âge planétaire », de ténèbres, ou de guerres mondialisées.
La France est engagée dans nombre de ses conflits au nom de la démocratie, des droits de l’Homme, du statut des femmes ou de sa propre sécurité.

« Le nouveau-né ne peut pas naître » : l’effondrement de l’Union Soviétique, la démographie, la mondialisation et la révolution de l’immatériel n’ont pas signifié la fin de l’histoire et la victoire de la démocratie libérale occidentale.

Nous sommes dans un entre-deux où rien n’est acquis. Le monde n’est pas ordonné sur un nouvel axe. Le nouveau Monde reste à faire dans le désordre du monde.

L’ÉPOQUE EST DONC CELLE DES CRISES ET DES TRANSITIONS.

Et c’est ici que la France peut jouer son rôle. Rien n’est acquis, tout est ouvert, tout est possible.
La dislocation du monde bipolaire d’hier laisse la place à un monde fait de blocs et de pays. Puissance dominante et nucléaire, au même titre que l’Allemagne d’aujourd’hui en Europe, la France est la clé de voûte d’un ensemble « émergent » qui va avoir son mot à dire. Le déclin relatif de l’empire américain donne aux relations internationales une forme incontrôlée.
Un monde sans un vrai gendarme est dangereux mais offre des opportunités. Prenons un exemple : la France a pu intervenir au Mali sans être subordonnée aux États-Unis, à la Russie ou à la Chine. Dans un autre registre, la Turquie peut intervenir en Libye. La fin du monde bipolaire offre de nouveaux espaces. Il faut le faire sur la base de principes. Et il est nécessaire d’agir en accord avec le bloc que l’on constitue pour que cette action soit viable et défendable.

Dans le Monde apolaire que nous vivons, nul ne peut prétendre être le gendarme du monde.

La Chine n’a pas les moyens, la légitimité, ou la volonté de jouer ce rôle aujourd’hui. Elle se refuse à idéologiser son hégémonie en gestation. Tout ce qui est bon pour le commerce est bon pour la Chine.

Ce qui veut dire que le monde va rester durablement multipolaire. Mais le corollaire est donc un monde sans centre, en déséquilibre permanent. On y conteste l’ordre occidental, le commerce international est souvent anarchique, les organisations internationales peinent à trouver des consensus et à les faire respecter. Les pratiques multilatérales sont vécues comme des décisions mettant en cause la souveraineté. Pour le meilleur ou le pire, le monde est gazeux. Il suffit de voir comment Erdogan, Orban ou Loukachenko bravent l’opinion mondiale.

D’abord, les pôles sont disparates au sein desquels les attributs économiques, militaires, culturels de la puissance sont éclatés. Ensuite, les acteurs internationaux sont multiples, non seulement du fait de l’accroissement du nombre de puissances grandes ou moyennes mais aussi en raison de l’émergence de nouveaux intervenants : ONG, entreprises multinationales, grands acteurs locaux, communautés virtuelles, groupes terroristes ou narcoterroristes. Aussi, le système d’organisations internationales mis en place après la Seconde Guerre mondiale parvenait encore plus difficilement qu’hier à répondre aux tensions nouvelles. Enfin, la confiance dans la sphère internationale s’érode de toute part : montée des nationalismes et des populismes, soupçons réciproques des puissances émergentes contre les anciennes puissances qui voudraient bloquer leur ascension.

Il y a une contradiction entre les problèmes nouveaux, les acteurs nouveaux et les formes anciennes du débat international.