221 jours de Guerre en Europe

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1/ C'est au tour du Sénégal ; 2/ Moyen-Orient la trêve ou la Guerre régionale ; 3/ La Chine un pas de plus ! ; 4/ Kiev, désaccords au sommet ; 5/ Bayrou fait sauter la banque et maintenant ? ; 6/ Le nouveau clivage au PS ; 7/ « L'écolo bashing » sarkozien, le programme commun des droites.

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1/ C'est au tour du Sénégal

Je pensais que le Tchad, vu les fermentations de guerre civile au Sud, serait le prochain domino francophone à tomber. Mais c'est le tour du Sénégal. Quelques jours avant le commencement du scrutin présidentiel, le président Macky Sall prend prétexte d'un conflit soutenu et organisé par ses partisans à l'Assemblée contre le Conseil constitutionnel pour suspendre le processus électoral jusqu'au 15 décembre 2024 et plus si affinités il y aurait. Depuis 1963 et la tentative de coup d'État du ministre des Finances V. Ndiaye défendu en son temps par le futur Garde des Sceaux de F. Mitterrand, R. Badinter, qui vient de décéder, il n'y a jamais eu de coup d'État au Sénégal même si cela fut envisagé dans l'entourage du président Abdou Diouf, par le regretté Ousmane Tanor, futur patron du Parti socialiste sénégalais, au moment de l'alternance avec Wade. Le président Sall ne se représente pas. Il laisse sa place à son premier ministre Amadou Ba dont les sondages ne prédisent pas un grand avenir. Quant à Karim Wade, fils de l'ancien président, il est invalidé pour double nationalité. Ce qui est peu compréhensible puisque qu'un autre candidat sur une vingtaine, dans la même situation, aurait été validé. Les deux vieux partis sénégalais sont bousculés par l'émergence de nouveaux venus comme Ousmane Sonko, allié à Khalifa Sall, l'ancien maire déchu de Dakar et ex-socialiste. Le penchant islamiste et souverainiste de Sonko est redouté par Paris et de nombreuses chancelleries. Et sa volonté affichée de lutter contre la corruption inquiète beaucoup à Dakar. Ce qui se joue, c'est bien sûr la fin du pré carré français. Mais plus profondément, il s'agit d'un conflit générationnel dans ce pays où 70 % de la population a moins de 35 ans et 50 % moins de 19 ans. La décision de report provoque un tollé et des manifestations violentes. Entre le président sortant mais pas encore sorti et la rue, il n'y a que la gendarmerie et l'armée. Elles ont toujours été loyales à la constitution. Mais cette dernière vient d'être pour le moins violentée. Le Sénégal bascule dans la crise politique, sociale et institutionnelle. Une pierre de plus dans le jardin français. La nomination, au même moment, de l'ancien ministre sarkozyste Jean-Marie Bockel, comme envoyé personnel du président Macron en Afrique de l'Ouest pour aller expliquer aux gouvernements le désengagement français, fait évidemment sens. Mais qui se préoccupe de tout cela en France ?

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2/ Moyen-Orient trêve ou la Guerre régionale

Israël a porté son offensive dans le Sud de Gaza alors que dans le Nord le Hamas resurgit des décombres. Les bombardements israéliens ont fait 200 morts au Liban en réponse à plusieurs centaines de missiles tirés par le Hezbollah. La Syrie et l'Irak ont protesté contre le bombardement massif sur leurs sols des milices iraniennes après que des soldats américains en Jordanie aient été pris pour cible faisant 3 morts. Les États-Unis et la Grande-Bretagne ont lourdement bombardé les camps houthis après que ces derniers se soient attaqués à des tankers dans le détroit d'Ormuz. Une guerre régionale rampante s'installe au Moyen-Orient. Nous sommes à deux doigts de l'embrasement général alors que ni l'Iran, commanditaire des milices terroristes, ni les États-Unis, allié contraint d'Israël, ne le souhaitent vraiment. C'est l'engrenage qui impose sa logique guerrière. Dans ce moment de bascule, le secrétaire d'État Anthony Blinken commence sa 5ème tournée pour tenter une trêve, mais surtout éviter la contagion. Un nouveau plan est sur la table. La proposition du Hamas est plus un plan soulignant une victoire qu'un plan de paix. Ce qui est pour le moins hors de propos. Et les bombardements de Gaza détruisent à ce point l'enclave que l'on se demande comment les Gazaouis pourraient demain y vivre. À moins que ce soit le but recherché. Ce qui expliquerait que Netanyahou soit insensible à la pression américaine, qui explique que la stratégie israélienne ne brise pas le Hamas et ne libère pas les otages mais multiplie les victimes civiles. Le Premier ministre israélien refuse le plan de paix et lance l'offensive sur Rafah, dernier lieu où la population s'est réfugiée. La trêve peut être la régionalisation du conflit probable.

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3/ La Chine un pas de plus !

Lors d'un entretien vidéo entre Sergueï Choïgou, ministre de la Défense Russe, et Dong Jun, son homologue chinois, ce dernier a dit semble-t-il "Nous avons déclaré notre soutien sur la question ukrainienne même si les États-Unis et l'Europe continuent à faire pression". Cette officialisation du soutien a été mise en question par les analystes même si aucun démenti chinois n'est intervenu. Cette attitude plus claire explique-t-elle le limogeage du précédent ministre chinois de la Défense, Li Shangfu, disparu mystérieusement ? Nul ne le sait. Mais depuis la déclaration commune du 4 février 2023 "l'amitié ne connaît pas de limites". Il s'agit de la confirmation plus nette d'une tendance déjà claire. La Chine souhaite entretenir ce point de fixation pour les États-Unis. Elle ne veut pas la défaite de la Russie. Elle procède de manière discrète de la même façon avec l'Iran. Ou ne réprouve pas les frappes de la Corée du Nord sur la Corée du Sud. Ce sont des "foyers secondaires" pour mieux exercer sa pression sur Taïwan. Diviser les forces de l'ennemi pour frapper quand les conditions sont opportunes ressemble aux concepts des maîtres stratèges de guerre chinois. L'échéance Taïwan se rapproche.

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4/ Kiev, désaccords au sommet

Faire sauter le verrou de Kharkiv tel est l'enjeu de la contre-offensive russe. Pour Poutine, c'est le moment. Les Ukrainiens ont un problème de recrutement que n'a pas la Russie. À 1 contre 5 c'est encore possible de combattre. À 1 contre 10 c'est impossible. Mais il faut ajouter à ce déséquilibre les difficultés pour l'approvisionnement des munitions. Et la situation devient impossible. C'est la base de la crise en Ukraine. Le débat entre le président Zelensky et l'ex-chef d'état-major Zaloujny, licencié, a porté sur la stratégie de guerre de l'Ukraine. Faut-il continuer l'offensive pour récupérer le Donbass et la Crimée comme le souhaite Zelensky ou faut-il une stratégie défensive gelant les positions comme le défendait Zaloujny ? Le problème maintenant réside dans le degré d'adhésion de l'armée ukrainienne à ce dénouement. Le choix de Zelensky peut galvaniser les troupes ou atteindre leur moral. Car Zelensky est un peu moins populaire que son chef d'état-major et une certaine fatigue s'est emparée du peuple ukrainien, de l'opinion européenne et des États-Unis. Poutine a surmonté la sédition de Prigojine. Est-ce que Zelensky pourra faire de même ? Lui qui ne peut pas organiser l'élection présidentielle et dont la légitimité démocratique est donc émoussée. Nous sommes dans un tournant.

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5/ Bayrou fait sauter la banque et maintenant ?

Nous vous l'avions suggéré la semaine dernière : un Bayrou relaxé est un Bayrou libéré, délivré. Tout dépendait de la composition du Gouvernement. Macron n'a pas voulu le comprendre. Alors que Bayrou ne voyait que la main de Sarkozy dans la droitisation du Gouvernement. Résultat : il n'en sera pas. Pire, il le dit à l'AFP et donne un contenu explosif à cette explosion : "Un désaccord politique sur le fond et sur la forme". Si ce n'est pas une rupture, cela lui ressemble. De toute façon, la chute de 8 points de Gabriel Attal dans les sondages confirme pour le Béarnais qu'il était temps de faire un pas de côté. La sidération du MoDem est résumée par Jean-Louis Bourlanges : "La déclaration de Bayrou affaiblit notre camp et nous affaiblit nous-même". Si elle démontre que l'excellent président de la commission des affaires étrangères de l'Assemblée n'aurait pas craché sur un Marocain, elle indique que le président du MoDem a décidé seul. Mais il ne fallait pas être grand clerc pour voir que François Bayrou rongeait son frein depuis des mois. La décision de Bayrou est l'effet différé de la rupture due à la loi immigration. Seule l'attente du verdict du procès Bayrou et l'espoir de devenir Premier ministre après l'épisode des retraites ont contenu l'ancien Garde des Sceaux. C'est le retour du refoulé rendu possible par l'humiliation infligée par Macron. Et les propos excessivement laudateurs sur le discours du président Macron lors de l'hommage aux victimes françaises du Hamas annonçaient la prise de distance. Macron a ruiné ce qui lui restait de majorité relative par une réforme des retraites imposée sans ménagement et une loi sur l'immigration indigne. C'est le double bang que François Hollande a connu en 2016 avec la déchéance de la nationalité et la réforme des retraites. Au-delà des déclarations convenues d'apaisement, ce n'est pas l'appel du Parquet qui va calmer le garçon. Le mal est fait : soit François Bayrou va jusqu'au bout et présente une liste MoDem aux européennes s'il est encore mal traité, soit il invente la participation sans soutien. Dans les deux cas, le tournant droitier du Président pour sauver les européennes vient de prendre un éclat majeur. Il suffit de lire l'affrontement gauche-droite sur la boucle Télégramme des députés de la majorité pour se rendre compte des dégâts. Mais il faut élargir la focale de l'analyse. François Bayrou vient d'annoncer par ce désaccord sa candidature à la présidentielle. Il y a quelques jours, Xavier Bertrand présentait la sienne lors d'une interview à Ouest France. Il prenait date contre la dérive Wauquiez-Ciotti-Retailleau de s'inscrire dans l'arc national populiste de l'extrême-droite. S'il affaiblit ainsi LR et rajoute à la confusion dans cet espace, il marque aussi le refus du basculement vers l'extrême-droite, comme le refus de 60 parlementaires macronistes de voter de loi immigration instaurant la préférence nationale et l'exclusion de Clément Beaune du nouveau Gouvernement pour avoir marqué sa différence. Ce dernier ne va pas en rester là. La sortie pleine de colère du président de la Commission des lois, Sacha Houlié, constatant son éviction du casting gouvernemental pour les mêmes raisons, indique qu'entre règlement de comptes et amertume, la faille s'agrandit chez les marcheurs.

Tout cela continue à renforcer, à cette étape, l'hypothèse Marine Le Pen qui vient de battre avec 36% le record d'intention de vote de François Mitterrand qui était de 34% en 1980 au fait de sa popularité. Il s'ouvre aussi le chapitre d'une recomposition possible du champ politique dans le post-macronisme. Le partage des eaux avec le national populisme est en marche. Ceci au moment où la crise de LFI s'accentue entre les frondeurs Autain-Ruffin-Corbière et le triumvirat Bompard-Mélenchon-Panot au point que l'on accélère le retour en grâce d'Adrien Quatennens. Un PS avec une stratégie et une volonté claire de front populaire contre l'extrême-droite saisirait ce moment.

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6/ Le nouveau clivage au PS

L'adoption par le Conseil national du PS de sa liste aux élections européennes est riche d'enseignements. D'abord, le choix un peu baroque de ne pas retenir une candidature de l'Occitanie en position éligible mais de retenir le candidat de Paris, membre du même courant Delga - Hidalgo - Mayer Rossignol, alors que Faure jurait qu'il ne le retiendrait pas à la suite des sénatoriales à Paris. Ce choix révèle la volonté de O. Faure de diviser ledit courant et d'isoler Carole Delga. On remarquera que la lettre vengeresse de la présidente de l'Occitanie est signée par Mayer Rossignol et pas par Anne Hidalgo, dont la fédération a voté massivement pour la liste Glucksmann. Le refus de O. Faure de négocier avec le PRG vise lui à marginaliser le principal allié de Bernard Cazeneuve et donc à cornériser ce dernier. S'il y avait des doutes sur la candidature à la prochaine présidentielle d’O.Faure et donc de maîtriser le prochain Congrès, ils sont levés. Dans le même temps et par voie de conséquence, s'ouvre une nouvelle phase dans le PS. Si le Premier secrétaire a été contraint d'accepter une liste hors La Nouvelle Union Populaire et Écologique (Nupes), s’il a trouvé en Glucksmann un trait d'union médiatique, il n'a pas renoncé pour autant à sa stratégie crypto Nupes et son choix de concourir pour son propre compte dans le pôle des radicalités. Il suffit de regarder les sondages. Le Premier secrétaire navigue entre 1 et 2 points dans les sondages des Français. Il est en 4ème ou 5ème position lorsqu'on interroge les Français à l'extrême-gauche ou très à gauche. Cela ne lui a évidemment pas échappé. Et là tout est jouable pense-t-il. Donc il ne lui faut pas quitter cet espace. Il faut le structurer sans Mélenchon et les sociaux-démocrates. Alors il prend soin d'encadrer Glucksmann, la leader de la gauche du PS, N. Mebarek, du négociateur des accords Nupes, P. Jouvet, la responsable des jeunes socialistes E. Rafowicz, qui a défendu jusqu'au bout l'accord avec LFI, le responsable européen Christophe Clergeau très critique vis-à-vis du PSE, sont là tout en haut de la liste pour faire le contrepoids. Le député de Seine-et-Marne ne souhaite pas être déporté sur le centre-gauche par Glucksmann. Les Fauristes prennent d'ailleurs un risque pour le score de la liste en maintenant ainsi R. Glucksmann en laisse. Le débat entre les partisans d'un front populaire et ceux du front des radicalités est donc inéluctable. Il a commencé lors du Conseil national. Les deux anciens membres de la "Gauche populaire", aujourd'hui séparés, Philippe Doucet et l'ex-chef des frondeurs Laurent Baumel, se sont lourdement affrontés sur le sujet. Cette confrontation opposera les partisans de l'alternative et ceux du témoignage à la présidentielle : un candidat social-démocrate ou un candidat de la radicalité pour battre Marine Le Pen ; refonder un parti de gouvernement ou se fondre dans un mouvement ; un candidat centre-gauche ou un candidat gauche de la gauche pour refonder le PS; une colonne vertébrale réformiste ou radicale à l'union aux législatives en cas de victoire de Marine Le Pen ; chercher les potentiels dissidents de Mélenchon ou les orphelins du macronisme. Vous connaissez ma réponse. Il faut faire les deux mais pour cela, un PS refondu est incontournable. Car l'option Nupes ou Neo Nupes coûte chère au PS qui vient de passer de 42 000 adhérents au Congrès de Marseille à 36 000. Alors que la direction fauriste espérait l'effet "booster" de son alliance mélenchonniste. Et ce choix stratégique n'est pas plus électoralement gagnant au-delà des sortants vu la droitisation du pays et les réponses urgentes dont il a besoin.

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7/ « L'écolo bashing » sarkozien, le programme commun des droites

Depuis le fameux "L'écologie, cela commence à bien faire" de Sarkozy au lendemain du Grenelle de l'Environnement et sa non moins fameuse moquerie contre "la très aimable G. Thunberg", l'offensive contre l'écologie est devenue le dénominateur commun entre les 3 droites : l'extrême droite, la droite classique et la deuxième droite centriste macroniste. Et ceci sous le drapeau de la lutte contre l'écologie punitive et la neutralité carbone en 2050 adoptée par la Commission Européenne. Le "Backlash" s'impose. Ce terrible "contrecoup" comme les Américains ont surnommé l'offensive de Trump contre l'écologie et la voiture électrique. Le Gouvernement vient de s'engager sur cette voie en remettant en cause son propre plan Ecophyto ou les 4% de jachère, à la suite de la colère des agriculteurs. Macron-Attal renonce à une ambition écologique déclarée à raison par D. Cohn-Bendit. Ce n'est pas comme si la planète n'avait pas vécu un réchauffement de 1,2 % dans l'année. De son côté, l'écologie de rupture avec les écologistes collapsologues, les combinaisons de taxes, d'interdits ou d'anathèmes n'aident pas. Tout comme les jets de soupe sur le tableau de la Joconde et autres joyeusetés contre la culture pour conjurer la "fin du Monde". L'écologie sera inclusive ou ne le sera pas. Le combat n'est pas d'imposer un constat. Il est évident et accablant. Mais la méthode pour le conjurer, la voie d'un illibéralisme écologique pour le bien de l'humanité n'est pas une solution. Pas plus qu'un "après nous le déluge" soutenu par les Conservateurs. Un laisser-faire qui permet aux générations à venir de faire. Il ne s'agit plus de regarder les dégâts mais de penser la transition vers une Nouvelle société : une démocratie sociale écologique. Elle doit combiner un impératif catégorique et un chemin de compromis historique. Il s'agit de ralentir au maximum la marche vers la catastrophe et de s'adapter aux conditions déjà provoquées par la catastrophe.

A dimanche prochain !

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Au moment où la Nupes s'est décomposée, un nouvel axe de recomposition se constitue : le Programme Fondamental. 

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LE POUVOIR D’AGIR

Le Lab de la social-démocratie vient d’élaborer un « programme fondamental » intitulé Le Pouvoir d’Agir, qui vise à rénover les idées de la gauche réformiste en France. LeJournal.info a décidé de publier les principales réflexions issues de ce travail collectif. Pour y avoir accès cliquez ci-dessous sur les quatre liens :